Quand le trompettiste narguait le régime de Pretoria aux portes de l’Afrique du Sud.
Crédit photo : Rodney Barnett
C’est en 1960, après le massacre de Sharpeville, que le jazzman sud-africain s’exile vers l’Angleterre pour des études. Il s’envole pour les USA quelque temps après, et y retrouve sa compatriote Miriam Makeba (ils s’étaient rencontrés sur la comédie musicale King Kong en Afrique du Sud). Bientôt, même si pour peu de temps, ils convoleront en juste noces.
Encouragé et influencé par ses rencontres avec Thelonious Monk, John Coltrane, Dizzy Gillespie ou Harry Belafonte (qui le prendra sous son aile), il sort son premier album, Trumpet Africaine, en 1962. Brother « Hugh » côtoie les Black Panthers et garde l’œil rivé sur ce qui se passe en Afrique, où des guerres de libération font encore rage. Il s’y rend aussi, notamment avec son producteur Stuart Levine, avec lequel il organise le festival musical Zaïre 74 précédent le combat du siècle Ali-Foreman à Kinshasa. Mais dans son pays d’origine, la situation ne fait qu’empirer.
En 1976, le régime sud-africain décide de faire de l’Afrikaans la langue générale de l’enseignement. Des émeutes ont lieu à Soweto, le grand township noir de Johannesbourg. Elles sont réprimées dans le sang. Masekela et Makeba, bien que divorcés, ont gardé de bonnes relations. Il écrit pour elle « Soweto Blues », en hommage aux martyrs des émeutes. Banni de son pays de par son activisme, c’est avec un passeport ghanéen qu’il se rend – via l’Afrique du Sud – au Lesotho, petit royaume enclavé devenu indépendant et qui échappe au régime de Pretoria. Aux portes de l’Afrique du Sud, le concert attire plus de 75 000 personnes, dénonçant le régime d’apartheid au nez et à la barbe de ses artisans. « Le concert fit un trou dans le mur d’isolement que les seigneurs de l’apartheid avaient essayé de bâtir », se souviendra plus tard Masekela.
Dans la foulée, il installe un studio mobile au Botswana, à deux pas de la frontière Nord de l’Afrique du Sud. L’occasion de renouer avec le mbaqanga, le genre musical qui fait alors fureur au pays. Toujours engagé, il publie en 1987 « Bring’ Him Back Home », une chanson qui deviendra l’hymne de tous ceux qui luttent pour la libération de Mandela et participe aux concerts de la tournée Graceland avec Paul Simon, Miriam Makeba, ou encore Ladysmith Black Mambazo.
Il reviendra s’installer au pays en 1990, poursuivant sa carrière dans un pays dont il aura été privé pendant trente années. À la lumière de cette histoire, on comprend mieux l’importance de ce Live in Lesotho, dans l’histoire de l’artiste et dans celle de la libération de l’Afrique du Sud, où la musique a toujours joué un rôle de premier plan.
Hugh Masekela & Company Live in Lesotho est prévu pour le 2 décembre prochain.